Philosophie et Lettres Page d'accueil "Je suis Dioclès , répondit le vieillard en continuant son travail. Vous pouvez vous expliquer, si vous avez quelque chose à me dire." Je demeurai muet d'étonnement. "Eh bien ! me dit Dioclétien, quelle affaire vous amène ici ? Avez-vous des graines rares à me donner, et voulez-vous que nous fassions des échanges ?" Je remis votre lettre au vieil empereur ; je lui peignis les malheurs des Romains, et le désir que les chrétiens avaient de le revoir à la tête de l'Etat. A ces mots, Dioclétien, suspendant son travail, s'écria : "Plût aux dieux que ceux qui vous envoient vissent, comme vous, les légumes que je cultive de mes propres mains à Salone ! Ils ne m'inviteraient pas à reprendre l'empire." Je ne pus en obtenir d'autre réponse. En vain, je voulais insister. "Rendez-moi un service, me dit-il brusquement : voilà un puits ; je suis vieux, vous êtes jeune; tirez-moi de l'eau, mes légumes en manquent." A ces mots, Dioclétien me tourna le dos, et Dioclès reprit son arrosoir. CHATEAUBRIAND | |
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